Editorial (Juillet 2006)

Publié le par Dominique Van Espen

EDITORIAL
 
 
Titres racoleurs s’abstenir !
 
La vulgarisation scientifique à tendance « consommation de masse » me laissera décidément toujours rêveur.
 
Tenez, prenons une revue mensuelle au hasard. Mais alors au hasard hein, parce que je ne voudrais pas que notre président- éditeur-responsable ait des ennuis avec les intéressés. La revue française « Science & Vie », pour ne pas la nommer. Mais remarquez que le raisonnement pourrait être le même des autres publications, fleurons du genre, telles que « Ca m’intéresse » ou autre « Science et Avenir ».
 
J’ai choisi quelques titres au hasard, en éliminant d’emblée le sujet « du jour » -pour cause de « Da Vinci code » évidemment - intitulé « Le dossier Jésus : vie secrète, descendance, clonage »
 
Tout un programme ! Et encore passera-t-on sous silence cette récente annonce de la découverte d’un « Evangile selon Judas », selon laquelle ce dernier n’aurait pas été celui que l’on avait cru. Non, je parle de l’information sérieuse, celle qui est supposée faire état de données objectives et circonstanciées. 
 
Enfin presque.
 
Le premier titre a attirer mon attention avait été : « Un très vieux singe dormait au musée ». Ne cherchez pas déjà un nom parmi vos proches connaissances, puisqu’il s’agit d’un crâne de primate, baptisé Killikaike blakei, qui viendrait d’être retrouvé fortuitement par un paléontologue argentin dans un musée de l’université de Patagonie. A l’instar de notre spécimen de « Max de Strud », en quelque sorte, oublié pendant un bon siècle dans des collections poussiéreuses.
 
On finira par se dire que certains feraient peut-être bien de mieux ranger leurs affaires… Et en fait d’annonce, voire de célébrité éphémère, je ne peux résister à l’envie de mentionner celle entendue à la télévision, au moment d’écrire ces lignes, qu’on aurait réussi à extraire l’ADN des restes de ce fameux « jeune » fossile (comprendre fossile d’un jeune homme de Neandertal) trouvés voici une dizaine d’année dans la grotte de Sclayn, près d’Andenne.
 
Ce qui soit dit en passant n’est vraiment pas loin, géographiquement parlant, du site du Dévonien dont question plus haut. Mais pour en revenir aux autres titres ronflants typiques des revues de vulgarisation, nous passerons sans nous attarder sur ceux du genre «  La vraie source du Nil découverte », « Les combats de gladiateurs n’étaient pas si sanguinaires » (ben voyons !), « Le canari ne chante que d’une façon mécanique » (cela change ma vie) ou autre « Courir en groupe enrichit le cerveau ».
 
Ce qui est dorénavant sûr, c’est qu’il doit y en avoir beaucoup qui marchent désespérément seuls !
 
Mais je vous laisse juges de l’ensemble.
 
Quant à cet autre effet d’annonce qui laisse rêveur, celui qui veut que les scientifiques aient enfin découvert où s’accouplaient les poissons des abysses, je me bornerai à suggérer que si les spécialistes ont effectué une telle avancée dans la connaissance de la vie dans les profondeurs, c’est peut-être simplement parce qu’ils ont enfin pensé à allumer les lumières…
Ce qui rassure, en définitive, c’est que tout sujet quel qu’il soit semble mériter qu’on s’y attarde, même si l’on peut s’interroger sur la finalité profonde que recherchent ces  scientifiques qui se posent des questions existentielles du genre :
« Est-on moins mouillé si on court ou si on marche quand il pleut ? »
Là également, je me contenterai de rappeler pour ma part ma modeste, seule et unique contribution à l’avancée de la logique élémentaire, par le vieux théorème implacable selon lequel « Plus tu pédales moins fort et moins tu avances plus vite »
Mais j’ai gardé le meilleur pour la fin, le titre le plus savoureux qui m’ait interpellé dans la même publication « Science & Vie » du mois de mai 2006.
 
« L’arôme de vanille peut s’extraire de la bouse de vache »
 
Selon une étude japonaise ! Sans doute est-ce une précision utile à la compréhension de la chose, si tant est qu’on ne devra pas bientôt s’attaquer à la tragédie méconnue de la consommation de saké dans les laboratoires. Parce qu’avoir songé à tenter cette expérience en dit long sur leur état mental : cuite pendant une heure et pressurisée, la bouse de vache libèrerait de la vanilline, le composé aromatique normalement extrait des gousses de vanille. Les chercheurs se sont toutefois empressés de préciser que le parfum de cette gâterie tant appréciée ne proviendrait pas seulement de la vanilline, mais de plusieurs dizaines d’autres composés aromatiques.
 
Cela rassure. La découverte permettrait en tout cas de produire dorénavant des arômes de vanille à base de déjections de vache. Mais pour des produits non alimentaires, est-il précisé dans le communiqué de presse. Histoire sans aucun doute d’apaiser les craintes du consommateur, parmi lesquels figureront certains de nos éminents membres, ceux qui consomment chaque année, à l’occasion d’un barbecue bien connu, quelques échantillons de glace artisanale, dont une au « goût vanille ».
 
Tiens à propos, dans une ferme de quelle localité aura-t-il encore lieu, ce fameux barbecue de la rentrée académique…
 
            Bousval, non ?
 
 
Dominique VANESPEN

Publié dans Editoriaux

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